Voyons voir…

invitroPendant que de tristes imbéciles et de dangereux décervelés saccagent des boucheries ou manifestent à la porte des abattoirs, une petite visite au Sial est utile pour remettre les idées en place et prendre conscience des vrais problèmes posés par l’alimentation humaine des prochaines années, notamment en matière de protéines nobles assimilables.
Pour le moment, aucune solution de remplacement de la viande de boucherie ou de volailles n’est encore crédible, et ne le sera pas avant longtemps. Viande in vitro, insectes sources de protéines, algues, vertical ou Urban farming, productions aquaponiques… Ces tendances de recherche font beaucoup parler d’elles, c’est légitime, mais sur le terrain elles ne représentent encore pas grand-chose. Elles constituent surtout le domaine des chercheurs et des start-ups. Qu’en est-il ? AM

La viande in vitro ou en éprouvettes
C’est l’espoir de chercheurs et des start-ups de pouvoir faire face à la demande mondiale croissante de viandes sans élever des animaux qui à leurs yeux mobilisent trop de ressources en surfaces et en eau. Des entreprises investissent déjà des millions dans des start-ups, en Israël, aux USA et aux Pays-Bas, pour réaliser cette vision. L’une d’entre elles veut lancer en 2021 cette viande de remplacements sur les marchés. Les investisseurs visent surtout le type de viande de volailles. Ce sont des signes à prendre au sérieux…
Mais les faits sont têtus. Il n’y a pas actuellement de perspective d’une possible production de masse. Les techniques utilisées consomment trop d’énergie et ne peuvent pas se passer d’intrants provenant de la production animale classique. On a par exemple besoin du sérum des fétus de veaux pour développer des cellules musculaires, et ces fétus meurent. Une start-up prétend pouvoir s’en passer. A terme prévisible, cette viande n’envahira pas les marchés mais à long terme des niches peuvent se développer.

Les insectes sources de protéines
On en discute beaucoup. Car les insectes disposent d’un taux de protéines élevé, 80% contre 44 % pour les bovins. Les insectes ont également des taux élevés de vitamine et de minéraux, ainsi que d’acides gras non saturés. Leur élevage passe pour économiser les ressources. Mais on ne voit aucun concept de production de masse. Il est probable qu’à plus grande échelle, ils trouveront place dans l’alimentation animale pour remplacer du soja, de la farine de poissons, ou du maïs.
Depuis 2017 la Commission européenne autorise les protéines d’insectes en aquaculture pour l’alimentation des poissons. Depuis le début de cette année, les insectes sont classés par l’UE dans Novel-Food, les produits alimentaires nouveaux. Dans ce domaine les études sur l’efficience et la sécurité alimentaire de cette source de protéines paraissent encore insuffisantes. Et l’on n’évoque ici que pour mémoire le fort obstacle culturel que devra surmonter cette consommation dans la plus grande partie du monde et de la population.


Les algues
Elles sont une source prometteuse de protéines, d’acide aminés, de vitamine B12, de fer et d’omégas 3. Les algues constituent un vrai potentiel. Les premières fermes de production existent, et créent déjà des coopératives. Mais à l’heure actuelle on ne peut pas savoir si les algues s’établiront dans l’alimentation de base, ou seulement dans les barres spéciales, les crèmes de peau diverses ou des spécialités alimentaires ultra pointues.

Vertical Farming
Il s’agit de la culture en serres, pratiquée en ville et en étages. Ces serres spéciales sont techniquement très avancées et automatisées. On y cultive actuellement surtout des salades et des herbes aromatiques. Des capteurs règlent les apports d’eau et d’éléments nutritifs, ainsi que selon les besoins, la lumière. Les produits de traitement sont quasiment exclus, les plantes se développant sur un substrat stérile. Actuellement leur consommation d’énergie reste élevé, et l’on travaille à des concepts de circuits énergétiques fermés. Les Néerlandais sont en avance dans ce domaine. Urban ou Vertical farming visent à diminuer les transports jusqu’au consommateur. Des serres familiales, plutôt que des géantes, occupent le débat, afin d’autoapprovisionner directement les familles et les restaurants

La culture aquaponique
C’est une production en circuit fermé, composé d’élevages de poissons et de productions de végétaux hors sol. Les poissons sont élevés dans des containers, et l’eau usée contenant des éléments nutritifs rejetés par les poissons sert à irriguer et fertiliser des cultures de légumes, salade, tomates, et herbes diverses en particulier. L’eau est ensuite rendue réutilisable par procédés biologiques, et retourne à l’élevage de poissons. Les exploitants déclarent ne pas utiliser de produits de traitements, ni de médicaments. On cite beaucoup ces techniques d’exploitation, mais il y a encore peu d’exploitants qui se sont laissés tenter. Une start-up commercialise depuis peu des installations clé en main. La technique est assez séduisante, mais on a du mal à discerner sa capacité réelle de production de masse. Quant à sa capacité à produire des plantes à fort taux de protéines, elle n’est même pas évoquée pour le moment.